WHERE DOES “IT” COME FROM?
Even if there are different and contradittory positions around the methodology of the understandment of the excavations findings, all archeologists agree that the nature of the informations extracted from the remainings depends on their state of preservation and that, in any case, the act of reading it could never be neutral, neither objective. This happen because “we add new strata of information and interpretation to object themselves characterised by considerable stratification of meaning over time” (L.Olivier).
In this perspective, Edmée Laurin’s works have the same complex stratifications as archeological finds : a standing shape made of hair with human contours, vessels realized by industrial molds from a local factory disbanded in the 90s, stones made out of clay carved with words that reenacte in style the epigraph on the walls of the Italian capital during the Roman empire. All her pieces are deeply linked with the recent and antique past, both in form and matter, but at the same time, they are inseparable from our present. Through this paradox, Edmée Laurin encourages us to rethink our notion of time and to read her pieces as if they were archeological finds.
What kind of informations can we deduce from them? Where do they belong ? If the viewers are brave enough to sharpen their sight, get closer and analyze the find, there is nothing left for them but surprise : strange limbs growing on surfaces as little breast coming out of a rock made out of a soft piece of clay. The juxtaposition of human body and natural elements and the apparent shifting of the materiality of clay creates mysterious post-human chimeras foundings that seem to be coming from a distopian, parallel reality.
The concept of shifting, doesn’t just refer to the versatile polisemantism of the use of clay as a material, but also to the capacity of the artist through the creative act to shape our wildest fantasies.
In the world created by Edmée Laurin, clay is an autonomous living material, able to breath, drink water, transform itself in fire and, as it moves from its reality to ours, it shows its true self in the exhibiton space.

FR

D’OÙ “CELA” VIENT-IL ?

Même s'il existe des positions opposées et contradictoires autour de la méthodologie de compréhension des résultats de fouilles, tous les archéologues s'accordent pour dire que la nature des informations extraites de vestiges dépend de leur état de conservation et que, par conséquent, l'acte de les lire ne pourrait jamais être neutre ni objectif. Ce phénomène se produit car “nous ajoutons de nouvelles strates d'information et d'interprétation aux objets eux-mêmes caractérisés par une stratification considérable de sens dans le temps“ (L.Olivier).
Dans cette perspective, les œuvres d'Edmée Laurin ont les mêmes stratifications complexes que les découvertes archéologiques: une masse de cheveux dressée aux formes humaines, des récipients réalisés au moyen d'un moule industriel issu des ruines d'une usine locale fermée dans les années 1990, des pierres en argile sculptées de mots qui font penser aux épigraphes sur les murs de la capitale italienne sous l'empire romain. Toutes ses pièces sont profondément liées au passé récent et antique, tant dans la forme que dans la matière, mais elles sont en même temps indissociables de notre présent. A travers ce paradoxe, Edmée Laurin nous encourage à repenser notre notion du temps et à lire ces oeuvres comme s'il s'agissait de découvertes archéologiques.
Quel type d'informations pouvons-nous en déduire ? A quel espace appartiennent-ils ? Si le regardeur accepte cette invitation à s'approcher et analyser la découverte, il ne sera pas au bout de ses surprises : d'étranges membres humains colonisent les formes, de petits mamelons sortent d'un rocher en porcelaine, de cette pierre qu'on imagine froide et rigide au toucher imprimée dans le souple matériau qu'est l'argile. Cette juxtaposition du corps et d'éléments naturels pointe aux fondations de mystérieuses chimères post-humaines, qui semblent provenir d'une réalité parallèle dystopique.
Le concept de déplacement ne se réfère donc pas seulement à la sémantique multiple et polyvalente de l’utilisation de l’argile comme matériau, mais aussi à la capacité de l’artiste à façonner nos fantasmes les plus fous.
Dans le monde créé par Edmée Laurin, l'argile est une matière vivante autonome, capable de respirer, de boire, de se transformer en feu et en passant de sa réalité à la nôtre, elle montre sa vraie identité dans l'espace d'exposition.

Raimonda da Ros

November 2019 (JCI published Artist brochure) 



From the composite materials that Edmée Laurin uses in her artistic practice one would expect them to be without nuances, straight to the point. Their polyester, acrylic, pre-formed plastic hardness should be instantly revealed to those who look at them.
However, it is the work of an alchemist that is set before us, as she transforms flexible matters into hard ones and vice versa, reversing the first properties of resins : from the surfaces emerge foam, slime, they become liquidy and viscous.
Even though the body is only shown by fragments or delicate evocations, it sweats from all of her productions : it is the breast coming out of a cast of what seems to be a pre shaped carton packaging for round fruits, the immaculate glaze drops exuding from a dark ceramic, a foam mattress that she stratifies with resin.
The marvelous plays with the monstrous, the perl miraculously born can easily be mistaken for the cyst whose growth can not be stopped.
Look out for the flood because we won’t see it coming.


FR

Des matériaux composites qu’Edmée Laurin utilise pour ses œuvres, on s’attendrait plutôt à ce qu’ils soient sans nuance, qu’ils aillent droit au but, que leur dureté de résine acrylique, polyester ou de plastique thermo-moulable nous soit révélée immédiatement. Or c’est un vrai travail d’alchimiste qu’elle met en place, quand elle métamorphose des matières souples en matières rigides et inversement, renversant visuellement les caractéristiques premières des résines : les surfaces se font moussues, baveuses, liquides ou visqueuses.
Bien que le corps ne soit jamais montré que par fragment ou par évocations délicates, il transpire de toutes ses productions : ce sont les seins qui émergent d’un moulage de ce qui semble être plutôt un emballage pour fruits sphériques, les gouttelettes immaculées en émail qui exsudent d’une céramique sombre, un matelas d’appoint en mousse qu’elle stratifie à la résine. Le merveilleux le dispute au monstrueux, la perle qui naît miraculeusement peut se confondre avec le kyste dont on ne peut empêcher le grossissement. L’envahissement guette, et on ne l’aura pas vu venir.

“When we think about composite materials they automatically remind us of the field of industry, with their cold, utilitarian and preformed aspect and shapes. When I work with those materials, I wear a protection suit, a breathing mask, gloves and glasses : direct contacts to the body are not allowed. However, I am looking for some material evolutions of states, to freeze some movements and organic textures in the purpose of evoking the body where its presence would not be expected. I am interested in the act of print, in the necessity to duplicate a form by casting it : my works talk simultaneously about plasticity and skin, fossil and flexibility. I am operating some transfers and magnifications: a cat on a pillow is as
big as a lying human body, breasts duplicate themselves as in the Artemia of Ephese, ceramic drops invade the wall. By their uncertain appearance and their mysterious identities I create for them an alternate reality, without denying each work’s unicity : They are like fragments of ambivalent bodies, between erotism, life and death.”

FR


“Quand on pense aux matériaux de synthèse, ils évoquent instantanément le monde de l'industrie, avec leurs formes utilitaires, froides, préformées. Lorsque je travaille avec ces matériaux, je porte une combinaison de protection, un masque, des gants et des lunettes : le rapport direct au corps est contraint. Toutefois, je cherche des changements d’état, pour figer des mouvements et des textures organiques afin d’évoquer le corps là où on ne l’attendrait pas. Je m’intéresse à l’empreinte, à la nécessité de dupliquer par moulage : mes pièces évoquent conjointement la plasticité et la peau, le fossile et le flexible. J’opère des déplacements, des effets de loupe : un chat allongé sur son coussin est à l’échelle d’un corps humain, des seins se démultiplient comme dans l’Artémis d’Éphèse, des gouttes de céramique se répètent sur le mur. Par leur apparence incertaine, leur identité mystérieuse, je leur crée une réalité alternative sans pour autant nier leur unicité : ils sont comme autant de fragments de corps ambivalents, entre érotisme, vie et mort.” 

Text from and remarks in conversation with Camille Paulhan
(published in Felicità 17, catalog, Beaux-arts de Paris éditions)

February 2018

Brochure du Jingdezhen Ceramic Institute (texte de Raimonda da Ros)
Portrait by Damian Rosellen